Email : reuilmelanie@gmail.com
Troisième année d’inscription en doctorat : 2022-2023
Directeur de thèse : Laetitia PETIT (MCF-HDR)
N° ORCID : https://orcid.org/0000-0002-5866-4403
La valeur et la fonction des négations en psychanalyse et en logique intuitionniste: en lien avec la question du féminin
Brouwer développe la logique intuitionniste dans le champ des mathématiques au début du XXe siècle. Les travaux de ce mathématicien hollandais sont donc contemporains des élaborations théoriques de Freud en psychanalyse. Brouwer inscrit sa théorie dans la lignée du courant constructiviste, renvoyant à l’idée de construction, et il est notamment célèbre pour sa remise en question d’une partie de la logique classique. C’est dans l’article « Qu’on ne peut pas se fier aux principes logiques » (1908) qu’il critique le principe du tiers exclu. Dans celui-ci, il émet une objection partielle à la logique classique et s’oppose à ses fondements aristotéliciens. Cependant, cette objection n’est que partielle, car il suit le principe du tiers exclu dans son activité mathématique des ensembles finis, mais le rejette lorsqu’il s’agit des ensembles infinis. Autrement dit, sur les ensembles finis, une proposition est affirmée ou niée (A ou ¬A), et sur les ensembles infinis, une proposition peut être : affirmée (A), niée (¬A), ou correspondre à une construction tierce manquante mais “potentielle” (¬¬A). Ce dernier traitement est particulièrement intéressant du fait de son mouvement d’écart de la logique binaire et de l’affirmation de l’universel (de la possibilité d’affirmer un “tout”).
À partir de ces idées, pourquoi se pencher sur l’intuitionnisme pour aborder la question des négations dans le champ de la psychanalyse ?
L’intérêt porté ici sur cette logique émane de réflexions sur les avancées lacaniennes à propos des négations, avancées qui nous ont amenée à travailler sur le tableau des formules de la sexuation (Séminaire Encore). Ce tableau serait à considérer comme une approche symbolique de la question de la différence des sexes et une tentative de formaliser le non-rapport sexuel. À partir des années 1970, Lacan construit alors progressivement les quatre formules logiques présentes au sein de celui-ci et va les diviser en deux : avec deux formules du côté homme (∀x.Φx et ∃x.¬Φx) et deux autres formules du côté femme (¬∀x.Φx et ¬∃x.¬Φx). Côté femme, Lacan fait notamment apparaître la formule du pas-tout (¬∀x.Φx), concept qui se distingue par son écart de la logique universelle du “tout” phallique, mouvement que nous avons également évoqué à propos de l’intuitionnisme.
Nous interrogerons davantage les négations et la logique du côté femme, car ce côté ne semble pas pouvoir s’appréhender par le biais de la logique classique ni par un abord formaliste, qui tous deux suivent une logique binaire. Le féminin est l’objet de cette recherche dans laquelle nous questionnerons ce dont pourrait relever une logique du féminin en psychanalyse. C’est pour cerner cela que l’intuitionnisme et son traitement des ensembles infinis peuvent devenir un appui précieux. D’ailleurs, un passage par cette logique n’est-il pas nécessaire pour appréhender la logique à l’œuvre côté femme? C’est ce que semble nous laisser entendre Lacan dans Encore, bien que l’idée d’un abord du féminin par la logique constitue peut-être une limite à cette appréhension. Ce “ passage”, nous l’associons notamment au pubertaire, période d’élaboration psychique et de construction de ce lieu “Autre” du féminin. Cependant, cette construction peut également être refusée, comme le montre le refus du féminin.
Notre problématique tourne ainsi plus largement autour de l’articulation de la différence entre le masculin et le féminin. Cette différence est-elle valorisée ? Ou déniée au profit de l’hégémonie du seul masculin ou du seul féminin ? D’après Jacqueline Schaeffer, dans son article « Féminin et refus du féminin », cette différence est une affaire de conflictualité irréductible, dans laquelle le féminin est continuellement en mouvement de construction et de déconstruction vers le refus du féminin. Le féminin serait toujours à reconstruire, contrairement au masculin.
Ainsi, nous tenterons d’interroger cette problématique et avons comme hypothèses : l’idée que le double traitement logique opéré par Brouwer peut “illustrer” les mouvements d’ouverture/fermeture de l’inconscient et, par là, des rapports différents à l’Autre ; mais aussi le fait que l’intuitionnisme ouvre à une pluralité d’interprétations, dont certaines rejoignent la logique classique (interprétation algorithmique) et d’autres, topologiques, qui s’en écartent. Ces interprétations, par leur mouvement distinct, nous semblent pouvoir “illustrer” logiquement soit l’entrecroisement irréductible entre le masculin et le féminin, soit, au contraire, des interprétations qui marquent un écart de l’universel.
Mots clés : négations, formules de la sexuation, logique intuitionniste, pas-tout, féminin.
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